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LA TRACE D'UNE VIE
​Écriture d'un texte en rapport avec le projet avec 21 mots imposés

Lettre d’un déserteur (Louis) à sa femme (Clothilde), Andlau, mars 1917. 

 

Ma très chère amie, 

 

Voici quelques semaines que je me suis perdu à vous rejoindre. J’ai quitté le front sans savoir où aller. Je ne pouvait me résoudre à participer à un tel massacre, à me battre contre mon propre pays. Malgré le parcours difficile que j’ai entrepris, je viens de retrouver une joie éphémère dont je voulais vous faire part. 

 

J’ai croisé sur ma route un édifice qui a fait renaître en moi des sentiments enfouis. C’est un château, une oeuvre médiévale en somme. J’étais en train de rejoindre Colmar à pied, par les Vosges pour ne pas me faire repérer, quand il m’est apparu, comme sortant de terre. Je ne l’avais pas remarqué et pourtant il me regardait déjà, le château du Haut-Andlau. 

 

Cette ruine qui s’élevait devant moi était comme une grande dame, sage et pensive, elle contemplait la bataille qui se jouait devant elle. J’ai trouvé qu’elle vous ressemblait ma douce. J’ai vu dans ces deux tours votre stabilité, votre force sensible à toute épreuve et je me suis nourri de celle-ci. 

 

Il faisait nuit tôt ce jour là, dix-sept heures sonnait aux cloches des villages en contre-bas et la nuit tombait. J’ai observé le paysage et j’ai vu que la grande aiguille noire de Strasbourg était encore visible. J’ai décidé de me cacher derrière une des deux tours pour me restaurer d’un morceau de pain qu’un vieillard m’avait donné la veille. Dès mon entrée dans le bâtiment j’ai senti que les murs allaient me raconter une histoire, et que le passé, la vie interrompue de cette cour allait m’être livrée. 

 

J’ai pris le temps d’observer les pierres, de scruter les assemblages, de visionner l’ensemble et d’imaginer le royaume qui avait été bâtit sur ce sommet plus de six cents ans avant mon arrivée. Des traces de mortier montraient que l’édifice n’avait cessé de se construire et de se reconstruire à travers le temps. Chaque habitant avait laissé son emprunte et a tenté de revaloriser le château. J’avais l’espoir que ces hommes et ces femmes disparus pouvaient me transmettre leur force mentale et physique pour continuer mon chemin. Je voulais apporter ma contribution à cette entreprise, mais je me suis senti bien lâche tout à coup. Je ne savais pas si mon passage allait laisser une trace.

 

J’ai imaginé les évènements, les repas, la vie sociale que la cour avait pu accueillir. Le froid et la fatigue m’ont même poussés dans un état second. Je me suis mis a danser comme un troubadour dans cette cour, jusqu’à ce que le vide s’empare à nouveau de moi. 

 

Je suis reparti ce matin de cette forêt enchantée. Je tente de sauvegarder dans mon esprit ce précieux souvenir, il m’aide à avancer vers vous. Je suis devenu un jeune vieux Clothilde. Mes traits trahissent mon jeune âge autant que les obus ont tués ma candeur. 

 

Je garde l’espoir qu’un jour vous puissiez lire ces mots, je reviendrai ma douce, bientôt. 

 

Votre Louis.

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